L'Amour médecin fournit un bon exemple de ce
que peut être un « rituel de la circonstance ». Pour tenter de l’expliquer, rappelons-nous tiendrait un double
discours : l’un à l’intention de la galerie, faisant preuve d’une belle unanimité ; l’autre où
les dissensions internes se manifestent bruyamment. Mais il arrive parfois que messieurs
les médecins fassent preuve de peu de retenue et étalent devant leurs patients certaines divergences. Lorsque Sganarelle demande
à quatre illustres médecins (personnages caricaturaux copiés sur des médecins bien connus à l’époque) de se prononcer
sur le mal qui affecte sa fille, ceux-ci s’affrontent sans scrupule, chacun y allant de son propre diagnostic sans se
soucier de l’avis des autres. La maladie, à l’époque, est perçue comme étant le résultat d’un déséquilibre
des humeurs qu’il faut rétablir au moyen de purges, de saignées et de lavements…
Le comique de la situation est évident puisque la survie de la malade semble dépendre d’opinions contradictoires
que chacun défend avec fureur alors que le spectateur sait très bien que Lucinde feint la maladie afin d’être mariée
à Clitandre.
Plus qu’à l’incompétence des médecins, Molière s’en prend surtout
à la faculté de médecine où l’idée de progrès paraît heurter certaines consciences et semble pousser les autorités
à se cantonner dans un immobilisme résolu, voire rétrograde. Il est intéressant de constater que la comédie permet de critiquer, parfois avec excès, l’autorité des anciens.
La situation de Molière en tant qu’artiste à la cour du roi, ne lui permettait pas de s’en prendre librement à
n’importe qui. Les privilèges dont il jouissait avaient des limites et les ennuis que lui causa le Tartuffe en constituent un bon exemple. Toutefois, l’institution médicale du XVIIe s’était affranchie
de l’Église et était essentiellement bourgeoise, d’où sa vulnérabilité.
Mais derrière cette querelle
d’idées, les comédies « médicales » de Molière mettent aussi en scène le drame bien réel de la maladie, de
l’incompréhension qu’elle suscite et de l’exclusion qu’elle entraîne souvent.
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